Sans remonter aux origines du conflit, la séquence du Combat d'Alençon a pour prélude la Bataille du Mans. Plusieurs événements précédent la prise du chef-lieu de la Sarthe et vont inciter l'armée française à obliquer vers Alençon.
Une première fois, le 4 janvier, Alençon est menacé par le IVe de Cavalerie prussien qui est arrêté à Bellême par les Français, et qui reçoit rapidement l'instruction de renforcer l'encerclement du Mans.
Le 10 janvier, l'Armée de la Loire et le corps de troupe de Normandie sont retenus au sud du Mans. Les Prussiens, selon la rumeur, seraient arrêtés sur les territoires de Champagné, Changé et Parigné-l'Evêque.
A 9h du matin, la brigade du colonel Bell et la 12e brigade prussienne engagent le combat à Champagné. Bell et le commandant Trégomain sont tués dès le début du combat. A 11h, les Prussiens ont enlevé Champagné, maison après maison. Ils suivent maintenant la voie ferrée, direction Le Mans.
La division du général Pâris reçoit l'ordre de quitter Le Mans pour reprendre le plateau d'Auvours. Les Prussiens retardent leur avancée pour y concentrer leurs forces. Sursis pour Alençon ? Le front se figera-t-il au Mans ? On pourrait le croire car la prise du plateau d'Auvours par les Français est considérée comme l'un des faits d'armes les plus brillants de cette guerre.
Dans la nuit du 11 au 12, le général Chanzy ordonne le repli général de l'armée entre Pré-en-Pail et Alençon. Accrochages dramatiques à Courcebœufs pour le 1er Bataillon de l'Orne, le 41e de Marche, les Francs-Tireurs du Mans et le 4e de Cavalerie arrivant de Bonnétable.
Le 13, Français contre Prussiens combattent à la baïonnette dans Courceboeufs ! Une simple barricade sépare les deux armées.
La situation est extrêmement critique. Le 21e Corps est à Beaumont. Le général Chanzy ordonne le repli vers la Mayenne, direction Sillé, Sainte-Suzanne, puis Laval. L'idée : recomposer une armée depuis la Bretagne. Et Alençon ???
Le 13 janvier, le XIIIe Corps prussiens, sous le haut commandement du Grand Duc de Mecklembourg, talonne le 21e Corps de Chanzy dans la Sarthe. Accrochages répétés de Courcebœufs à Ballon. A l'ouest du Mans, le IIIe Corps sous les ordres de von Schmidt harcèle l'arrière du 16e Corps, en repli vers Laval. Conséquence dramatique pour Alençon : le 21e Corps bifurque à Beaumont vers la Mayenne. Cela signifie-t-il l'abandon aux Prussiens, comme Le Mans ?
Pendant que les Prussiens concentrent leurs efforts au Mans, les Français opèrent un double mouvement. Une partie de l'armée de la Loire se déplace vers Laval, et une autre vers Alençon. Un dispositif est organisé pour barrer une éventuelle tentative prussienne vers le nord, tout en leur faisant comprendre que le flanc droit du gros de leurs troupes est menacé depuis Alençon. Les Mobiles de l'Orne verrouillent la route de Mortagne à Sées par Bazoches. Plus au sud, le massif de la forêt de Perseigne est mis à profit. Les Mobiles de la Mayenne sont divisés en deux : 4500 hommes à Alençon, 4500 entre La Hutte, Fresnay et Beaumont. Le 19e Corps, prévu en renfort au Mans oblique vers Alençon. Le général Chanzy ordonne au colonel Lipowski et à ses francs-tireurs, qui harcèlent les Prussiens entre Bellême et Bonnétable depuis une semaine, de faire jonction à Mamers et de se mettre à la disposition de la défense d'Alençon. Il ne fait aucun doute que la bataille va se dérouler au sud d'Alençon, voire dans la ville...
Le 14 janvier, le grand duc de Mecklembourg ordonne à ses troupes de ne pas poursuivre l'Armée de la Loire jusqu'en Mayenne et d'obliquer vers Alençon. Autant éviter d'être pris en étaux entre Chanzy, réorganisé à Laval, et Lipowski, descendant d'Alençon avec des troupes reposées. Il s'ensuit le combat de Chassillé, entre Barry et von Schmidt. Les têtes de colonnes du XIIIe corps sont en marche sur Alençon !
Le 14 janvier, les Mobiles de la Mayenne sont mal répartis. Ils sont trop nombreux sur les arrières à Fresnay-sur-Sarthe, distraits par les civils. Du côté de Beaumont et de La Hutte, se sont les fuyards du 21e Corps, accrochés à Sillé-le-Guillaume, qui refluent vers Alençon. Autant dire que les combattants sur les lignes en prennent un coup au moral. Ces fuyards arrivent à Alençon et se voient la ville interdite. Soit ils se ressaisissent, soit ils sont pris entre les deux armées. Ces troupes en guenilles paniquent les Alençonnais. Quant aux Prussiens, si le passage du pont de Beaumont pourrait être problématique, il n'y a pas d'obstacles naturels entre Louvigny et Le Mêle. Il suffit de suivre les routes...
Les Mobiles de la Mayenne tentent de garder le pont de Beaumont. C'est désespéré ! Ils sont débordés par la 22e division prussienne et refluent dans la panique. Beaumont devient le camp du XIIIe Corps !
Beaumont a cédé ! Très rapidement, au cours du 14 janvier, les avants-postes au sud de la forêt de Perseigne sont bousculés. Les barrages sur la voie ferrée à Bourg-le-Roi sont attaqués. La Hutte est écrasée et très vite, c'est la barricade d'Oisseau qui encaisse les tirs. L'artillerie légère tire sur Louvigny et Neufchâtel. Les uhlans débordent les lignes françaises, tactique désormais classique. Au nord, ils accrochent les Mobiles de l'Orne à La Fresnaye.
Le XIIIe Corps est très ralenti par son matériel lourd et son approvisionnement. C'est l'ensemble de cette armée qui a reçu la permission de "se payer sur le dos de la bête", autrement dit Alençon.
Sur ce tableau d'Emil Hünten (1827-1902), les uhlans débordent un poste français. L'action n'est pas localisée mais elle peut s'appliquer aux avants-postes au sud d'Alençon, aux abords de la forêt de Perseigne. Paysage et saison correspondent.
Ce matin du 15 janvier, le préfet nommé par Gambetta et le conseil municipal d'Alençon s'opposent sur la destruction des ponts. Ils s'opposent au point de neutraliser l'organisation de la défense de la ville. Lipowski s'empare alors du commandement ! Il dispose des Mobiles de l'Orne du 19e Corps, des Mobiles de la Mayenne du 21e Corps, des francs tireurs d'Alençon, des Basses-Pyrénées, du Havre et de Paris. Quatorze pièces d'artillerie sont réparties entre la Gravelle, derrière le bois de la Chevalerie, le chemin de Saint-Gilles et la voie ferrée à Saint-Paterne.
Le pont ferroviaire de la Fuie est détruit, donnant à la rivière Sarthe un intérêt défensif précieux sur le flanc est du dispositif. Les francs tireurs sont répartis en tirailleurs au sud de Montsort. Le faubourg est lui-même barricadé, des tireurs aux fenêtres des premières maisons. D'autres combattants sont sur des fortifications de fortune à La Détourbe et le long des routes du Mans et d'Ancinnes. Pour bien comprendre, nous avons plaqué le plan de défense sur la ville du XXIe siècle. Le champ de bataille est totalement urbanisé de nos jours !
Déjà, les Prussiens sont signalés de Saint-Rigomer à Bérus. Les canons tonnent vers la Feuillère et Houssemaine ! Les avants-postes sont aux prises avec les uhlans.
A l'ouest, sur le Chemin de Hautéclair, d'Arçonnay à Alençon : les uhlans éparpillent les Mobiles de la Mayenne, déjà secoués par l'artillerie qui tire à volonté sur le Bois de la Chevalerie. C'est la débandade vers la Sablière et Chauvigny, à Saint-Germain ! Certains sont accueillis par les injures et les tirs des francs tireurs de Lipowsky, appuyés sur le mur du cimetière de Montsort.
Au sud, les Prussiens cherchent à faire taire les pièces de marine en batterie chemin de Saint-Gilles. Très en avant, elles sont défendues par les francs tireurs du Havre, dont certains ne sont que des gamins.
A l'est, les Prussiens tentent une entrée par Saint-Paterne mais ils sont pris sous le feu des Mobiles de l'Orne qui les repoussent et prennent l'avantage. Ils peuvent les poursuivre dans les rues du village.
En représailles, une batterie prussienne bombarde les Mobiles depuis le Petit Maleffre ! C'est un combat de mousqueterie qui permet aux Français de se replier sur la ligne de chemin de fer. La lutte à la maison du garde-barrière est immortalisée par la peinture ci-dessous. Cette résistance est finalement écrasée par les uhlans lancés à plein galop...
Vers 17h, on comprend que la place va être perdue, soit du fait de l'écrasement des Français malgré la combativité de la plupart, soit du fait d'un ordre de retraite qui ne devrait pas tarder à tomber. A ce moment, le capitaine Duchamp et sa compagnie de francs tireurs, épaulés par des Mobiles de l'Orne, renforcent les lignes au cimetière de Montsort et route du Mans. 300 m les séparent de la ligne prussienne. Duchamp est tué mais son sacrifice est salué par une charge à la baïonnette de ses hommes. Ils vont faire refluer les Prussiens !
Les Prussiens interprètent la charge des hommes de Duchamp comme le début d'une contre-offensive. Aussi, se retirent-ils jusqu'à Béthon dans la soirée. Malheureusement, ce n'est qu'une illusion. Blessés et épuisés, les Français se présentent à la barricade de Montsort. Elle barre la rue du Mans. Des hommes sont postés aux fenêtres. Le boulevard de la République n'existant pas, les seuls points d'entrée sont la trop longue rue des Tisons, goulet fatal pour une troupe d'invasion, et la rue du Mans, courte, mais bordée de bâtiments et de venelles, rendant le combat en ville hasardeux. Mais peu importe : les troupes ont reçu l'ordre de quitter Alençon dans la soirée par la rue de Bretagne, de faire route vers Carrouges puis Laval pour former, après la Seconde Armée de la Loire, l'Armée de Bretagne.
Dans la nuit du 15 au 16 janvier, voyant le départ des troupes vers Laval, les édiles alençonnais font hisser le drapeau parlementaire sur les clochers de Saint-Pierre à Montsort et Notre-Dame, ainsi que sur le campanile de l'Hôtel de Ville. Vers Saint-Paterne, les Prussiens sont encore aux portes d'Alençon. C'est donc par la rue des Tisons que le pillage débute. La soldatesque défonce portes et volets, injurie, menace, se sert. Les lampes à pétrole sont renversées pendant les intrusions. Maisons et fabriques s'enflamment. Rapidement, les Prussiens abandonnent Alençon avant de revenir l'occuper quelques jours plus tard, alors qu'il est désormais ville ouverte.